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LE RAPPORT DU FPI SUR LES PRISONNIERS POLITIQUE SIGNÉ MICHEL GBAGBO
LE RAPPORT DU FPI SUR LES PRISONNIERS POLITIQUE SIGNÉ MICHEL GBAGBO

LE RAPPORT DU FPI SUR LES PRISONNIERS POLITIQUE SIGNÉ MICHEL GBAGBO

Une nouvelle grève de la faim illimitée a été entamée à la Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan par les détenus dits « politiques », depuis le 1ier décembre 2014. Nous avons mené une mission auprès de certains ainés des détenus, en présence du régisseur, afin de proposer, pour raison humanitaire, la fin de cette grève. Nous avons également diligenté d’autres missions auprès des familles des détenus. Certains enquêteurs ont pu rencontrer des détenus hospitalisés à l’infirmerie et dans les CHU. Ainsi que des détenus de l’intérieur du pays. Ces rencontres nous ont renseignés sur les raisons de cette grève de la faim.
Ce rapport présente la situation des détenus politiques, explique les raisons de cette grève du désespoir, et propose des recommandations urgentes au Gouvernement ivoirien.

Situation générale
Détenus depuis 2 à 36 mois pour certains, les 480 détenus politiques ivoiriens vivent un enfer en Côte d’Ivoire. Les arrestations, effectuées pour la plupart en dehors de tout cadre légal, se multiplient. 98 % des détenus sont sudistes et chrétiens. L’’essentiel des détenus de la crise postélectorale de 2011 sont en liberté provisoire. Suite à des attaques des positions des FRCI depuis 2012, des civiles ont été arrêtés ensuite un peu partout par les FRCI, en fonction de leur opinion politique supposée. Détenus dans des camps militaires où ils ont subis d’épouvantables sévices, puis transférés pour certains à la DST, à Cocody, ils ont ensuite atterri dans les Maisons d’Arrêt. Il y a 11 Maisons d’arrêt qui les accueillent sur le territoire ivoirien.
A la DST, tous les détenus disent avoir été torturés afin de leur faire avouer des faits qu’ils n’avaient pas commis ou de dénoncer des hommes politiques ivoiriens vivant en Côte d’Ivoire ou en exil.
Toutes les arrestations se passent de façon traumatisante pour les personnes et leur entourage : Elles se déroulent sur le lieu de travail, la nuit pendant le sommeil, ou dans les rues. Des 4X4 militaires kidnappent en plein jour des individus dont on ne retrouve plus toujours la trace, même des mois plus tard.
Même des personnes sous mandat de dépôt n’atterrissent pas automatiquement dans une Maison d’Arrêt officielle. Le nombre exact de détenu est difficile à évaluer. Les autorités légales refusent d’en communiquer le chiffre et le listing. Les familles nous ont communiqué une liste de 480 personnes.
Les détenus de la Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan (MACA) ont entamé une grève illimitée de la faim depuis le 1ier décembre 2014. 150 d’entre eux se retrouvent à l’infirmerie, abrités sous des tentes fournies par le CICR, dans l’enceinte de la prison. Quatre viennent de frôler la mort dans des CHU où, bien qu’attachés par des chaines aux pieds des lits d’hôpitaux et couchés sans couverture à même le sol, des médecins ont refusé de leur prodiguer des soins. Ces 154 détenus ont reçus les premiers soins par des infirmiers.
Ce sont les familles qui nourrissent les prisonniers politiques et paient pour leurs soins en Côte d’Ivoire. Ceux qui sont fonctionnaires ont vu leur salaire suspendus.
Cette grève de la faim, la deuxième du genre, a pour but de faire pression sur les autorités ivoiriennes afin qu’elles se décident soit à juger, soit à libérer ces personnes.
Le fait que Soro Guillaume, Président de l’Assemblée Nationale, ait appelé, en réponse à cette grève, le FPI « …à entrer au Gouvernement pour que les prisonniers politiques soient libérés » indiquent incontestablement qu’il s’agit d’otages.

Visites et soins
Pour des raisons inconnues, l’autorisation de visite aux détenus par les familles est tantôt autorisée, tantôt refusée pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, par les Parquets.
Les soins de santé et de cantine sont exclusivement à la charge des familles. Les maladies chroniques sont rarement prises en charge du fait de l’absence de médecin ou de médicament sur place et du refus des juges d’autoriser le transfert des détenus dans des centres hospitaliers. Les maladies mentales survenues lors de l’emprisonnement sont ignorées par les autorités. Les détenus utilisent la prière ou la contention pour venir à bout de leur compagnon devenu malade mentale dangereux alors qu’une Hospitalisation d’Office en hôpital psychiatrique est possible.
Les pathologies telles que le diabète, la tension, la carie dentaire, l’hernie discale…et des blessures résultantes des tortures subies avant l’incarcération ont été observés. Aucun soin approprié n’a été durablement apporté à ces cas.
Les détenus de Bouna côtoient les scorpions, les serpents et autres dangers. Les conditions de détention dégradent fortement la santé des pensionnaires. Les soins de santé sont quasi inexistants, ce qui a amené ces pensionnaires, et l’ensemble de ceux des prisons de l’intérieur du pays, à arrêter la grève de la faim. Certains détenus de Bouna trainent de graves séquelles de tortures. L’évacuation des malades vers le seul hôpital de la ville est très rarement autorisée.
Eau et vivres
L’eau potable ne coule que durant 10 minutes par jour. L’accès à l’eau est encore plus problématique à la MAMA (Maison d’arrêt Militaire d’Abidjan). Les détenus ont des difficultés pour recevoir la nourriture venant de leurs parents. Les plats mangés sont déséquilibrés. De très nombreux cas de béribéri dus à la malnutrition sont observés à la MACA.
Les détenus de Toumodi vivent dans des cellules exigües. La nourriture est à leur frais. La ration quotidienne fournie par la prison une fois par jour est de la pate de maïs, dite « gbinzin ». Il y’a 2 prisonniers malades qui demeurent sans soin.

Visites
Si les visites sont problématiques dans les prisons situées à l’intérieur du Pays, elles le sont encore plus pour les détenus de l’Ecole de Police. Ils ne reçoivent aucune visite de membres de leur famille. Les familles s’entendent dire d’attendre « la fin des procès ».
Les détenus de Dimbokro n’ont aucun contact avec les avocats. Ils vivent dans des conditions d’extremis précarités
Quand aux détenus de Bouaké, ils vivent dans des conditions précaires et n’ont pas droit aux visites. Les soins de santé sont inexistants. Nul n’ignore s’ils sont encore à Bouaké ou quelque part à Abidjan maintenant.

Menaces
Les détenus de Séguéla vivent dans des conditions précaires. Ils n’ont pas accès à la nourriture saine et leurs cellules sont étroites et exposées aux aléas climatiques car lorsqu’il pleut, les cellules sont inondées. Chaque plainte est suivie de menaces d’exécution. Selon des témoignages, les FRCI menacent de les exécuter si jamais des attaques adviendraient sur leurs positions. Il semble qu’il y’ ait eu des décès parmi les détenus mais cela n’a pu être vérifié. Les familles interrogées refusent de s’exprimer. Les détenus de Man vivent dans des conditions similaires.

Recommandations
Vu l’inexistence de réelles procédures judiciaires concernant les détenus politiques et la mauvaise qualité des conditions de détention, le FPI interpelle le Gouvernement ivoirien afin qu’il juge ces personnes ou les libère.
Le FPI interpelle également la communauté nationale et internationale, ainsi que les Organisations de défense des droits de l’homme, au sujet de la situation de déni de justice qui prévaut en matière judiciaire en Côte d’Ivoire. L’usage de la justice instrumentalisée aboutit à transformer près de cinq cent personnes en otage du pouvoir politique.
Depuis 2011, et l’accession de Monsieur Alassane Ouattara à la Présidence de la République, le FPI ne cesse de dénoncer la justice des vainqueurs. L’autorité judiciaire et les services de sécurité devraient travailler à la réconciliation nationale. Et non à organiser un système de répression systématique des personnes supposées de l’opposition en fonction de leur origine ethnique et/ou religieuse.

Abidjan, le 15 décembre 2014.

Michel GBAGBO

Secrétaire National chargé de la Politique Pénitentiaire et des Détenus Politiques / FPI

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